Les autorités blâment l’industrie de la gestion d’actifs, accusée d’avoir fait le jeu de la spéculation plutôt que d’encourager l’investissement de long terme.
L’indice CSI 300 des Bourses de Shanghai et de Shenzhen a chuté de près de 15 % entre le 18 février et le 9 mars, (zhu difeng/Shutterstock)
Par Bastien Bouchaud
Publié le 14 mars 2021 à 10:29Mis à jour le 14 mars 2021 à 11:40
L’année du buffle aurait pu démarrer sous de meilleurs auspices. Les festivités du nouvel an chinois terminées, l’ambiance s’est subitement refroidie sur les marchés chinois. L’indice CSI 300 des Bourses de Shanghai et de Shenzhen a chuté de près de 15 % entre le 18 février et le 9 mars, avant de se reprendre quelque peu ces derniers jours. Une chute d’une telle ampleur n’était pas arrivée depuis 2009 durant le congrès annuel du Parti communiste chinois. Depuis le début de l’année, il s’inscrit en baisse de 1,25 %, l’un des rares indices mondiaux dans le rouge.
Le coupable est tout trouvé pour les autorités chinoises : les fonds d’investissement en actions, une industrie en plein boom dans le pays. Ils ont collecté plus de 240 milliards de dollars l’an dernier, et encore 83 milliards entre janvier et février, selon le cabinet Z-Ben Advisors. Le « Securities Times », un média d’Etat consacré à la finance, a appelé les investisseurs au calme dans un éditorial publié en Une jeudi. Les gérants d’actifs en ont également pris pour leur grade, le journal les appelant à davantage privilégier le long terme au profit de la croissance rapide des encours. Pour limiter la casse, les autorités chinoises auraient demandé à certains fonds de passer à l’achat, selon l’agence Bloomberg.
Stratégies de court terme
L’épisode illustre les difficultés auxquelles font face les autorités pour contenir la spéculation sur les marchés chinois. Elles avaient elles-mêmes encouragé le développement de fonds d’investissement dans l’espoir de rendre la Bourse moins volatile après l’éclatement d’une bulle sur les marchés actions durant l’été 2015. Avec un succès mitigé. Les fonds qui se sont lancés ces derniers mois ont largement parié sur les mêmes sociétés, dont Kweichow Moutai. Des stratégies de court terme qui ont fait s’envoler leurs valorisations.
Kweichow Moutai, le plus grand producteur de « baiju », une eau-de-vie très appréciée dans le pays, est devenu l’an dernier la première capitalisation de Chine continentale. Il a grimpé de 65 % en Bourse en 2020, avant de bondir de 30 % supplémentaires entre janvier et début février. Les constructeurs de véhicules électriques ont suivi la même trajectoire, à l’image de BYD, qui a grimpé de près de 300 % en 2020. Ces champions de la cote ont particulièrement souffert du récent retournement de tendance, Kweichow Moutai cédant environ 25 % et BYD plus de 30 %.
Influence du gouvernement
« Le marché chinois reste très influencé par les mesures gouvernementales », rappelle Xiadong Bao d’Edmond de Rothschild AM. « L’avertissement des autorités face au risque de surchauffe a refroidi les ardeurs des investisseurs », explique-t-il en référence à une publication du régulateur bancaire début mars où il appelait à réduire l’endettement dans le système financier. La récente correction des indices chinois n’inquiète pas outre mesure le gérant, après deux années de fortes hausses . L’indice CSI 300 a gagné plus de 35 % en 2019 et près de 30 % en 2020. Mais « cette année il ne faudra pas s’attendre à des performances similaires », prévient-il, visant plutôt une hausse de l’ordre de 10 %.
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D’autant que les autorités sont reparties à l’offensive contre les géants Internet du pays. Tencent, Baidu, la maison mère de TikTok ByteDance et le concurrent local d’Uber, Didi Chuxing, ont tous été mis à l’amende vendredi pour des entorses passées au droit de la concurrence. Alibaba pourrait de son côté écoper d’une amende record, potentiellement supérieure à 1 milliard de dollars, selon le Wall Street Journal. Les investisseurs sont bien conscients du risque : le cours de l’action Alibaba a chuté de plus de 25 % depuis la suspension de l’introduction en Bourse de sa filiale Ant en novembre dernier.
Bastien Bouchaud